Si l’on en croit Bernard Clavel lui-même, à travers des souvenirs qu’il distille avec humour dans un texte intitulé Au bonheur de l’eau, il confesse qu’il fut un enfant fort turbulent et fort désobéissant.
Eau vivante, texte de Bernard Clavel -- Le Lac de Bonlieu
Popi et l’eau du jardin
Popi est un pauvre hère difforme qui vient parfois aider son père au jardin et se désaltère à la pompe au fond du jardin. Personne d’autre ne boit cette eau glacée dont on ne sait si elle est potable, surtout pas le jeune Bernard que ses parents ont mis en garde : « Si tu bois cette eau, tu deviendras tordu comme Popi. » Peine perdue, il finit par goûter à l’eau interdite. Mais de peur de devenir tordu comme Popi, il avoue son forfait à sa mère, qui ne comprend pas la raison de son émoi. Et au lieu de faire amende honorable, il apostrophe sa mère, lui reprochant de lui avoir menti. Il n’en recevra pas moins la correction de rigueur. La morale est sauve.Partie de pêche avec l’oncle Paul
Comme chaque année, Le jeune Bernard passait ses vacances à Dole chez sa tante et son oncle Paul, un fameux pêcheur un peu braconnier. Un jour qu’ils vont pêcher tous deux dans la Loue vers Ornans, son oncle l’avertit : « Ne te fie pas au beau temps, il va se gâter et la rivière va monter noyant la petite île ; donc pas question d’y aller. » Bien sûr, sitôt que l’oncle a le dos tourné, le jeune Bernard en profite pour filer pêcher sur l’île et bien sûr le temps se gâte rapidement. L’eau monte et l’enfant grimpe tant bien que mal sur un frêle peuplier, saisi d’angoisse, une peur bleue que la vouivre, énorme reptile à plusieurs têtes dit-on, crachant un feu d’enfer et le réduise en cendres.Heureusement, l’oncle revint en barque et délivra le garnement. « Tu vois, lance mon oncle, ce que tu fais faire avec ta désobéissance. » Peur rétrospective, Bernard pense toujours à la vouivre, plein de doutes que renforcent les remarques ironiques de l’oncle. Puis il pense à sa tante et à sa mère : « Tu le diras pas à ma tante que j’ai désobéi… on ne me laisserait plus venir en vacances chez toi. » Il sait bien le garnement que pour rien au monde l’oncle ne passerait des vacances sans son neveu. [1]
Clavel et le Rhône : "Chaque être dépend d'un fleuve"
Ces deux illustrations procèdent de ces "impressions d’enfance" dont, rappelle-t-il, « Jean Guéhenno dit qu’elles marquent de manière indélébile la couleur de notre âme. » Le peintre n’est jamais bien loin qui, où qu’il soit, retrouve sa terre natale dans l’écriture ou, admirant lors de son séjour à Montréal au Québec, un Courbet représentant le Puits noir, quand « le chant assourdi de la Loue monte des profondeurs sombres vers la lueur vibrante des reflets » et il emporte avec lui « l’odeur si particulière des eaux qui viennent lécher les roches où vibre le ciel comtois.»
« L’eau me fascine. Plus l’obscurité s’avance, plus elle ressemble à un énorme reptile dont les écailles de feu miroitent encore entre les branches. » "Au bonheur de l’eau"
[1] Bernard Clavel a repris cette anecdote avec de légères différences dans un roman paru en 1997 et intitulé "Le Soleil des morts"
Référence :
"Eau vivante en Franche-Comté", contribution de Bernard Clavel, "Au bonheur de l’eau", pages 16 à 31, Maison nationale de la pêche et de l’eau, éditions Cêtre, Besançon, 1991, isbn 2-878230-03-1
<<<<< Christian Broussas, Carnon-Mauguio, Octobre 2013 © • cjb • © >>>>>
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