jeudi 17 octobre 2013

Bernard Clavel Gauguin

Gauguin, autoportrait
 Gauguin est une biographie écrit par l’écrivain Bernard Clavel sur le peintre Paul Gauguin, paru aux éditions Sud-Est en 1958, sur sa personnalité ainsi que sur la portée de son œuvre.
 Gauguin, c’est « l’homme dont la vie ne sera qu’un combat », écrit Bernard Clavel en pensant sans doute aussi à lui qui connu beaucoup de difficultés avant de pouvoir s’imposer. Gauguin est également « celui qui veut partir » écrit-il encore ». [1]  Il sera marin pendant six ans, de 1865 à 1871.   
 
1- Avant la peinture  (1848-1873) 
L’ascendance de Gauguin est plutôt dynamique : sa grand-mère est Flora Tristan, une vie mouvementée, écrivain et socialiste, un grand oncle vice-roi du Pérou mort à 113 ans. Le jeune Gauguin passe sa prime jeunesse à Lima dans la famille de sa mère et revient en France à Orléans en 1855. Il porte en lui « cette terrible démangeaison d’inconnu qui me fait faire des folies », un orgueil qui lui donnera la volonté et l’énergie nécessaires pour réaliser ses désirs. [2] Après avoir bourlingué pendant plusieurs années, il rentre en France, semble se ranger, se marie avec une danoise Mette Sophie Gad.

2- Peintre du dimanche  (1874-1883)
Tout commence avec la rencontre avec un ami de la famille, un Danois des Antilles Camille Pissaro qui l’initie à l’impressionnisme et restera longtemps son maître. Sa femme confiera : "Personne n’a donné à Paul l’idée de faire de la peinture. Il a peint parce qu’il ne pouvait faire autrement. » Déjà, il suit son idée, rejetant les jugements des critiques.  Selon Bernard Clavel, il y a autre chose, « ce reflet en ses toiles de la lutte qui se livre en lui, sourde elle aussi, comme les couleurs qu’on lui reproche. » Il s’éloigne de l’impressionnisme et « sent un impérieux besoin de créer, de chercher. Un besoin qui ne peut laisser nulle place à une autre activité. »

3- Peintre de métier  (1883-1887)
Ses débuts de peintre à plein temps sont difficiles, « la gêne pénètre au foyer ; elle va devenir un nouvel obstacle. » Il veut évoluer vers un art plus équilibré, lui qui écrira en 1902, « j’ai voulu établir le droit de tout oser… » [3] Il donne ce conseil si difficile à réaliser : « Un grand sentiment peut être traduit immédiatement, rêvez dessus et cherchez-en la forme la plus simple. » [4] Á Copenhague, l’atmosphère devient irrespirable pour Gauguin. Avec Mette, c’est la rupture. En 1885, il rentre à Paris avec son fils Clovis. Deux années très sombres se profilent, « la misère et les tortures morales ne parviennent pas à entamer sa foi en son génie. Sa puissance de travail demeure intacte.

4- Pont Aven La Martinique et Paris  
Commence pour lui une période d’errance qui le mène à Pont Aven pour un court séjour peu satisfaisant, à Paris où recommence la galère puis à La Martinique qui l’enchante. Mais la maladie l’oblige à rentrer. C’est là-bas qu’est apparu « le premier geste de ce qui sera bientôt l’aplat de couleur et le cerne ». [5] Á Paris, c’est toujours la dèche. Il vit de la vente de quelques céramiques cuites par Chapelet mais il croit toujours à son art.

5- « La synthèse » - Bretagne - Arles  (1888)
Son retour à Pont-Aven est une étape capitale. Dans La vision après le sermon, il peint en tons nets « et le cerne, bien qu’encore timide, a déjà sa place ». Il parvient à créer des œuvres picturales pas trop chargées d’émotion pour être aussi des œuvres décoratives. Les querelles sur la paternité d’une technique comme le cerne ne l’intéressent pas et il le proclame haut et fort. [6] Dès lors, il jouera un rôle important dans l’évolution de la peinture, d’abord en initiant avec son ami Paul Sérusier ce qui deviendra le fauvisme puis en 1888 avec  cette déclaration : « L’art est une abstraction ». [7] L’épisode arlésien avec Van Gogh le déçoit profondément avec  le fâcheux incident qui met fin à son séjour. [8]
De retour à paris, il expose au Champ de Mars en 1889. Face aux moqueries, Félix Fénéon déclare que « la réalité ne lui fut qu’un prétexte à créations lointaines ; il réordonne les matériaux qu’elle lui fournit… » Il fait un dernier séjour en Bretagne, au Pouldu et peint entre autres son célèbre Christ jaune. Même s’il se plaint beaucoup, il reste intransigeant sur son art. [9]

                                   Paysage tahitien 1893                         Tahitiennes portrait
6- Tahiti et l'Océanie (1891-1893)  
Enfin, il peut partir, son souhait se réalise ! Á Tahiti, loin de Papeete, il découvre la société maorie et retrouve sa sérénité. Mais malade et désargenté, il se résout à retourner en France. Séjour catastrophique : il n’en ramène qu’une jambe cassée dont il ne guérira jamais vraiment. Á Tahiti, il retrouve son village, se fait construire une belle case mais rien ne va. Miséreux et démoralisé, il continue quand même à peindre. C’est désormais un homme détaché qui n’attend plus aucune reconnaissance qui peint Nervermore en 1897. Même la publication de son récit Noa Noa ne parvient pas à le réconforter.
Alors en 1898, il décide de peindre son testament spirituel, ce sera : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Comme d’habitude,  il ne rencontre qu’incompréhension, un critique [10] lui ayant reproché son manque d’explications, il lui envoie une lettre véhémente. [11]
Il enverra cependant des indications à son ami Charles Morice. [12] Puis il entreprend quelques activités qui, espère-t-il, lui permettront de tenir encore un peu ; de survivre. 

7- Hiva-Oa  (1901-1903)
Son dernier refuge, ce sera Hiva-Oa, la Dominique des Marquises. Il vit dans une belle case qui a englouti toutes ses économies et appelle Maison du jouir, « ici, la poésie se dégage toute seule » écrit-il à son ami Daniel de Monfreid. Mais sa joie est de courte durée. Sa défense des indigènes lui vaut des ennuis avec les autorités locales, sa santé décline et s’altère tant qu’il décède le 8 mai 1903, veillé par son ami Tioka.
D’après Bernard Clavel, Gauguin, « ce lutteur farouche épris avant tout de liberté », serait le dernier de nos grands classiques, « le dernier à entreprendre de véritables compositions ». Il réussit ce tour de force de dégager une grande intensité d’émotion à travers l’ampleur décorative de ses toiles. Il se dit ‘primitif’, contrairement à Van Gogh qu’il voit comme un romantique, privilégiant l’émotion dans un ensemble pictural accompli, organisé. [13]

Paul GAUGUIN   Paul GAUGUIN
Double portrait d'enfants                    Paysage breton sous la neige

8- Bibliographie  
* Récits de Paul Gauguin
. Noa Noa, autobiographie romancée
. L’ancien culte maori, d’après Voyage aux îles du Grand Océan de J. A. Moerenhout
. Cahier pour Aline (prénom de sa fille)
. Racontars de rapin et Choses diverses : ouvrages où il livre ses réflexions sut l’art et la peinture de son époque
* Autres textes
. Alain Georges Leduc, « Résolument moderne, Gauguin céramiste », 
. Georges Daniel de Montfreid, Sur Paul Gauguin, La Rochelle, 2003 (ISBN 2-84327-092-8)
. Max-Paul Fouchet, Gauguin, Éditions Henri Scrépel, Paris, 1975
. Bernard Clavel, ''Léonard de Vinci'', éditions Club d’art Bordas, 1967


9- Notes et références 
[1] Bernard Clavel, œuvres complètes, tome I,  page 1123 
[2] Un homme sanguin, dira-t-on de lui, « Gauguin ne saura jamais réprimer ses brusques mouvements de colère », précise l’auteur.
[3] Lettres à Daniel de Monfreid, éditions Falaize
[4] Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis, éditions Grasset
[5] Voir Gauguin, Charles Estienne, éditions Skira
[6] Voir Racontars de rapin, édition Falaize 
[7] Lettre à son ami Schuffenecker du 14 août 1888
[8] Voir la narration de cet épisode par Gauguin parue dans Le Mercure de France
[9] « Quant à faire de la peinture de commerce même impressionniste, non » écrit-il à son ami Émile Bernard en novembre 1889.
[10] André Fontainas, critique au Mercure de France
[11] Lettre se terminant par ces vers de Verlaine : « Un grand sommeil noir / Tombe sur ma vie / Dormez tout espoir / Dormez toute envie… »
[12] D’où venons-nous : source, enfant, la vie commune, l’oiseau…   - Que sommes-nous : existence journalière, l’homme d’instinct se demande tout ce que cela veut dire -   Où allons-nous : près de la mort d’une vieille femme, un oiseau étrange stupide conclut – Voir Bernard Clavel, Œuvres complètes, tomme I, page 1168
[13] Il illustre parfaitement ces paroles d’André Gide : « L’œuvre d’art raconte le triomphe de l’ordre et de la mesure sur le romantisme intérieur. L’œuvre est d’autant plus belle que la chose soumise est plus révoltée. »

         <<< Christian Broussas, Feyzin - Octobre 2013 © • cjb • © >>>

                      

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