Ce roman a obtenu le Prix des Maisons de la presse en 1998.
Présentation
« La gloire est le soleil des morts » - Honoré de Balzac, La Recherche de l'Absolu
Le titre Le soleil des morts est tiré d'une citation de Balzac et Clavel a également ajoutée une citation de Romain Rolland, ce pacifiste qu'il admire particulièrement : « Ce sont les braves gens qui font l'éternité des fléaux criminels dont l'humanité est martyrisée : ils les sanctifient par leur acceptation héroïque. ». Son roman est dédié à Charles Mour, oncle de Bernard Clavel, qu'il qualifie de « modèle de droiture, d'honnêteté et de dévouement. »
La conception du roman fut assez longue pour un roman de Bernard Clavel, l'auteur indiquant comme à son habitude les dates de début et de fin de sa rédaction :
Le héros du Soleil des morts, sous le nom de Charles Lambert, c'est son oncle Charles Mour, pour le jeune Clavel, le modèle même de l'homme honnête et dévoué, qu'il fait revivre dans ce roman. Quelqu'un d'imposant, au regard magnétique qui a beaucoup impressionné l'auteur. Il lui racontait des anecdotes sur son enfance, sur la région mais curieusement, jamais sur son métier de militaire et sur la guerre, informations que cependant Bernard Clavel parvenait à grappiller quand des collègues officiers lui rendaient visite et qu'ils parlaient du Bat d’Af, de leurs campagnes du Maroc et de Tunisie ou le front pendant la Première guerre mondiale.
Sa tante, celle qu'il appelle Pauline dans le roman, a beaucoup compté, aussi férue que son mari des campagnes d'Afrique, elle en gardait un souvenir extraordinaire que Bernard Clavel a largement évoqué dans un autre de ses romans Quand j'étais capitaine ,écrit quelques années avant celui-là. Il est fasciné par le courage, l'abnégation des femmes de cette époque, Pauline bien sûr, la grand-mère de Charles qui s’est épuisée au travail pour son petit-fils, ou La Gravosse, cette femme de Bat d’Af, qui paiera de sa vie son dévouement. "La mère Duchêne" aussi, la mère de Pauline, modèle de la femme forte dont il dit que « c'est tout du bois dur avec une foutue écorce râpeuse, mais quand on arrive à aller au coeur, on trouve du chaud. Du tout chaud. » (page 247)
Lors de la publication de son roman en avril 1998, il en précise la signification : « Ce Soleil des Morts m'a poursuivi des années avant que je ne me décide à l'écrire. […] J’ai tenté de brosser une fresque des temps douloureux que les femmes et les hommes de notre pays ont traversés entre les lendemains de la guerre de 1870 et les années qui ont suivi celle de 1939-1945. Dédié à la mémoire de mon oncle, ce livre l’est aussi à la mémoire de tous les martyrs de la folie et de l'absurdité d'un monde en proie à la violence. »
Résumé et contenu
Charles Lambert a dix ans au début de ce XXe siècle qui va voir beaucoup d'hommes pris dans des conflits planétaires sanglants qui les dépassent. Élevé par sa grand-mère, il vit à la campagne dans une ferme du Doubs, du côté de Dole, formé à l'aune de « l'école de la république ». On y retrouve comme dans Le tambour du bief ou Les colonnes du ciel un braconnier Sébastien Thuillier, un "pays" rencontré au "Bat d'Af" en Tunisie, le Doubs et la forêt de Chaux près de Dole.
C'est dit, le jeune homme deviendra comptable mais lui pense surtout à venger la cuisante défaite de 1870 qui a vu mourir son grand-père, à prendre sa revanche sur les Prussiens et à récupérer l'Alsace et la Lorraine, les provinces perdues. Même la belle Pauline Duchêne ne parvient à lui extirper ces idées de la tête : il finit par s'engager comme simple soldat dans un bataillon d'Afrique, d'abord en Tunisie puis au Maroc.
Romain Rolland Tranchées à Ypres 1917 Normandie 1944
C'est un costaud, homme de parole et de devoir, qui se révélera d'un courage et d'une abnégation sans pareil dans les conflits planétaires qui ont marqué cette époque. C'est là qu'on rejoint la citation de Romain Rolland qu'il a placée en épigraphe, ces gens humbles qui défendent les valeurs auxquelles ils croient fermement, le pays, les traditions, qu'il reprend en ces termes : « Ce ne sont pas seulement des soldats qui sont ivres de gloire, c'est tout un peuple. »
Un peuple de gens modestes que Bernard Clavel aime bien au fond, déchiré qu'il est entre ces hommes qu'il respecte mais qu'il ne peut rejoindre, lui l'insoumis et l'homme de cœur qui dépeint les horreurs de la guerre comme on fait une cure de désintoxication.
Soleil noir, soleil des morts
Promu sous-lieutenant au début de la Grande Guerre, il en constate toute l'horreur, au-delà des discours belliqueux et des utopies de gloire, des mensonges des communiqués et de la censure de la presse. Après la défaite survenue en mai 1940 et l'Occupation du pays, Charles Lambert va commencer un autre combat, contre l'infamie et le déshonneur…
Avec ce roman, Le Soleil des morts, Bernard Clavel retrace l'itinéraire d'un homme de bonne volonté, décalque de son « oncle Charles », sous-officier dans les bataillons d'Afrique, les Bat d'Af, promu officier pendant la Grande guerre, et dresse un réquisitoire contre la guerre qui broie les hommes et à propos de laquelle il a écrit : « Je hais la guerre, déteste les armes, mais l'histoire de ce vieux soldat m'a hanté jusqu'à ce que je me décide à la raconter. »
Il se dresse contre cette fatalité qui n'est que celle des hommes victimes d'un nationalisme dévoyé où chaque nouvelle génération est vouée à la guerre, tuer et se faire tuer, conquérir et reconquérir encore et encore l'Alsace et la Lorraine.
On peut aussi y voir une critique sociale d'un petit peuple qui est exploité et souvent confronté à la misère, toujours à la merci d'un coup du sort ou d'un patron et dont l'engagement dans l'armée représente la stabilité et une promotion sociale, comme dans cette réflexion aux accents autobiographiques « Mon pauvre homme : charretier, comptable, soldat, sous-off, économe. Cent métiers, cent misères. » (page 172)
A propos de Le soleil des morts : aspects autobiographiques
Si Bernard Clavel a largement puisé dans la vie de son oncle Charles Mour pour écrire ce livre, il a aussi eu recours à sa propre expérience puisqu'on retrouve à plusieurs reprises la trace du neveu Julien -le Julien Dubois de La Grande patience- qui n'est autre que Bernard Clavel lui-même.
Deux narrations sont à cet égard très révélatrices :
- L'histoire du jeune Clavel, alors en vacances à Dole, qui part à la pêche avec son oncle, désobéit et manque se noyer mais finit par apitoyer son oncle, racontée dans un récit "Au fil de l'eau" et reprise légèrement romancée dans ce roman.
- L'histoire de l'oncle victime d'une léger accident vasculaire avec paralysie du bras droit pendant plusieurs semaines, alors que c'est Clavel qui en a été victime quelques années auparavant en 1992.
Voir aussi
* Présentation Lecture-écriture
< Christian Broussas - Soleil morts - Feyzin, 12/2009 - maj 04/2013 © cjb • © >
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