Un écrivain à
l’école : Œuvres complètes,
tome III
Le roman par le romancier : Texte paru dans la revue Europe en 1968 et Œuvres complètes, tome II
Le roman par le romancier : Texte paru dans la revue Europe en 1968 et Œuvres complètes, tome II
Écrire, c’est se vider de
sa vie : Œuvres complètes, tome
III
Tout au début était le rêve
Œuvres
complètes, tome III, pages 911-912, éditions Omnibus
Écrire et réécrire : Avant-propos à Les Colonnes du ciel et Œuvres
complètes, tome IV
<<<<<< Lien avec la seconde partie de Bernard Clavel et l'écriture
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1- Un écrivain à
l’école : Œuvres
complètes, tome III
Pour un écrivain comme Bernard Clavel qui a quitté
l’école à 14 ans, c’est un choc de découvrir un extrait d’une de ses œuvres
dans un manuel scolaire. « L’une de
mes premières joies d’écrivain » précise-t-il. L’école, ce sont pour lui des souvenirs plutôt
désagréables et se retrouver dans une salle de classe avec son statut
d’écrivain constitue une expérience inédite.
Une réconciliation en quelque sorte.
Mais il va entrer –à son corps défendant- dans un autre
univers qu’il appelle celui des ‘intellectuels purs’. Pour lui, une autre
planète. Et les martiens qui y vivent veulent décortiquer ses bouquins, les mettre
à nu, les soumettre à une radioscopie en règle. Il nomme cette opération le ‘dépiautage’, comme on fait en Bresse pour séparer les grains
des "panouilles" de maïs. Il déplore que cette pratique finisse par tuer
l’émotion. Lui s’imagine le métier d’enseignant comme une aventure, un homme qui regarderait le monde avec un œil
d’enfant.
2- L’écriture : Miroir article de Bernard Clavel, Œuvres complètes, tome III, pages 967-973, Éditions Omnibus
Bernard
Clavel avoue qu’il
n’aime pas beaucoup son image, qu’il ne se soumet aux photographes que pour des
raisons professionnelles. Il se penche sur son visage comme pour y déceler les
stigmates de son passé, le souvenir de cette mère qu’il a tant aimée et qu’il a
fait souffrir. Il voudrait y trouver non
la réalité mais un portrait idéalisé, gommer les témoins de « défaites lourdes à porter ».
Il le
scrute ce visage à la façon du peintre qu’il a été, à l’époque où il tentait en
vain de le dessiner, détruisant ses ébauches trop ressemblantes et « s’efforçant de peindre le visage idéal ». Il
choisit finalement l’écriture car « le roman accorde des libertés que la
toile blanche m’a toujours refusées ». Le réalisme
de la photo l’agace, surtout si elle est réussie. Il craint ces résurgences du
« démon qui est en lui », même s’il est seul à les voir. (écrit à
Château-Chalon en juin 1972)
3- L’écriture : Écrire et
réécrire
5- Tout au début était le rêve
Avant-propos
à Les Colonnes du ciel, Œuvres
complètes, tome IV, Éditions Omnibus
Á propos de
la réédition de sa suite romanesque Les Colonnes du ciel, Bernard
Clavel avec sa femme Josette Pratte, entreprend un travail de
relecture des cinq tomes qui la composent. Á cette occasion, il pose la
question de savoir si un auteur peut affirmer « qu’il vient de donner d’un roman une version
définitive ». Il
repense à son ami, l’écrivain Jean Reverzy, jamais satisfait, qui
reprend inlassablement le manuscrit de Place
des angoisses par
exemple.
‘L’œil neuf’ qui porte un regard nouveau sur ses textes, c’est celui de
sa femme qui lui signale longueurs et lourdeurs de style ; il reconnaît
humblement qu’elle a raison « neuf
fois sur dix ». Il
n’est même pas sûr que cette version écrite en 1984 soit définitive, se
souvenant de cette phrase d’Ernst Jünger : « Aussi longtemps que nous restons des apprentis, nous
n’avons pas le droit de vieillir ».
Georges Semprun auteur de "L'écriture ou la vie"
4- Le roman par le romancier :
réflexion
sur l’écriture
Texte paru
dans la revue Europe en 1968
Œuvres
complètes, tome II, pages 1186-1193, Éditions Omnibus
Pour
Bernard Clavel,
l’écrivain se trouve un jour ou l’autre confronté à l’évolution de son époque.
Il ne peut guère rester neutre face aux crimes, aux injustices, à la misère…
comme aux actes « de dévouement et
de grandeur ».
Ainsi, « lorsqu’on n’a pas un
tempérament de bête soumise, comment ne pas s’engager ? »
Ses personnages,
il les puise dans sa vie quotidienne, surtout ceux qu’il a connus dans sa
jeunesse, des gens simples aux prises avec leurs problèmes, ce qui transparait
dans le réalisme de ses romans. Pour
lui, le roman est basé sur une construction réfléchie, assez libre cependant
pour laisser passer l’émotion. Son élaboration, ce n’est pas seulement les
quelque deux mois nécessaires à son écriture, c’est aussi des mois, parfois
plus, pour réunir la documentation et
avoir le recul qu’il faut pour que l’ensemble puisse mûrir et se structurer.
Les
contingences et les évolutions techniques font que l’écrivain est souvent amené
–comme il l’a été lui-même – à être
aussi journaliste ou à participer à des productions audio-visuelles. Ce n’est
parfois qu’un pis-aller tant dans ce domaines les contraintes économiques
priment sur le travail de l’artiste.
Pour lui,
un personnage existe vraiment quand il le poursuit constamment sans qu’il ne
puisse s’en débarrasser tant que le roman n’est pas terminé. Quant à
l’intrigue, il y est très attaché tout en constatant que de plus en plus, il se
tient près de son plan initial, sans pour cela espère-t-il, ''brimer'' ses personnages.
Sa façon
d’écrire, son style sont le fruit d’un long apprentissage, « en quelques années, écrit-il, j’ai empli une
énorme malle de vers… qui ont servi à allumer le feu… » Il espère simplement avoir
instillé un peu de poésie dans sa prose et tient la clarté pour qualité
essentielle à travers ces deux citations qu’il a choisies :
-
« Il y a un
minimum de clarté qui est une forme de politesse. » (Roger Martin du Gard)
-
« La
clarté est la politesse de l’homme de lettres. » (Jules
Renard)
5- Tout au début était le rêve
Œuvres
complètes, tome III, pages 911-912, Éditions Omnibus
Dans ce
court article, Bernard Clavel part à la recherche d’un temps perdu et du
mystère de la création. Il récuse la génération spontanée de l’inspiration,
trop commode et trop romantique. Aussi loin qu’il remonte dans son passé, il y
voit surtout des leçons de vie, la dure réalité de ses années d’apprentissage,
de la guerre et des petits boulots. Et par-dessus tout, l’image récurrente de
sa mère et celles d’une prime jeunesse rêveuse : « Tout au début était le rêve… »
Puis il y
eut ses liens avec le Rhône, la fascination qu’il exerça sur lui, véritable
histoire d’amour, même après que les hommes avides d’argent l’eurent mutilé.
Pour lui, le métier d’écrivain, né sur les bords du Rhône dans les "lônes" de Vernaison, est un sacerdoce, une série de
sacrifices dont il connaît trop bien le prix, ce partage impossible entre son
œuvre et les autres. Depuis le temps, il en a pris son parti, la vie est ainsi
faite, mais il sent encore et à jamais l’eau du fleuve couler dans ses veines.
« Tout au début était le rêve… »
6- Écrire, c’est se vider de
sa vie : réflexion sur l’écriture
Œuvres
complètes, tome III, pages 901-909, Éditions Omnibus
Pour
aborder la question de la création, Bernard Clavel traite du langage
comme d’un matériau, dans un mur à construire, chaque pierre doit être à sa
place. Mais c’es surtout l’implication de l’écrivain qui importe : pour lui, « écrire, c’est se vider de sa vie. C’est perdre sa sève,
c’est s’appauvrir sans cesse et sans jamais aucune certitude que ce que nous
donnons profitera à l’autre ».
L’œuvre est
ce mélange de sentiments véhiculés par des mots qui doivent moduler la phrase
pour restituer l’émotion dans toute sa dimension. Ainsi, c’est par le partage
que l’écrivain peut échapper à sa solitude. Écrire, c’est aussi se
survivre même si l’espoir est mince. Le maître mot du style, c’est la CLARTÉ,
comme l’ont dit Jules Renard et Roger Martin du Gard.
Bernard
Clavel a toujours
admiré ceux qui ont le bonheur de créer de leurs mains et se considère lui-même
comme un artisan. Il faut aimer pour bien créer, aimer les mots car disait Anatole
France, « on n’est écrivain qu’à ce prix ». Le travail d’écrivain est pour
lui moins ingrat que celui de peintre qui doit tout exprimer, « tout dire en un instant », car « la peinture est l’art du coup de
poing au creux de l’estomac » ajoute-t-il.
Malgré
tout, l’écrivain doit apprivoiser les mots, les traquer dans des dictionnaires
et Bernard Clavel se souvient de son premier roman aujourd’hui détruit
où il mit six mois pour le relire et chercher les mots exacts, ceux qui
traduisaient le mieux sa pensée. Les mots qu’on s’approprie sont comme un
immense réservoir où on peut puiser à loisir et où on peut aussi en rajouter.
Car, conclut Clavel, « l’aventure
est au cœur de chaque mot comme elle est au cœur de l’homme ».
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