mardi 24 février 2015

Bernard Clavel, Chronologie


   <><><><><><><><>  CLAVEL : Chronologie <><><><><><><><>
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- 1923 : naissance de 29 mai à Lons de Pierre-Henri Clavel, boulanger et d'Héloïse Dubois, fleuriste 
- 1927-37 : vacances à Dole chez l’oncle Charles Maur l’oncle au képi blanc et le héros de Le soleil des morts et sa tante Léa qui lui offre une boîte de peintre. Sa voisine Ninie Seguin l’emmène à une conférence de Paul-Émile Victor qui rentre du Groenland
- 1937-39 : apprentissage douloureux chez un pâtissier de Dole (La Maison des autres) ensuite travaille dans une chocolaterie à Lons puis à Lyon. Il veut voyager mais la guerre contrarie ses plans.
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- 1940-41 : vit de petits boulots : bûcheron, polisseur, lutteur de foire avec Ted Robert (L’Hercule sur la place). Rencontre à Lons le peintre Del Bosco.
-1942-45 : il s’engage dans l’armée d’armistice, tente de passer en Espagne et se retrouve à Castres où il découvre la poésie avec Jean Astier et l’amour avec celle qui deviendra la Sylvie de Le cœur des vivants. Rejoint le Jura où il travaille la vigne avec Hyacinthe Perez, le Pablo Sanchez de L’Espagnol puis gagne un maquis dans le  Jura.

- 1945 : il est rappelé dans l’armée régulière, le 30 juin épouse Andrée David puis s’installe à Vernaison au bord du Rhône. Essaie de vivre de sa peinture, aidé par un industriel Louis Mouterde, héros de Les Roses de Verdun. Grosses difficultés financières. Il abandonne la peinture pour l’écriture. En décembre, Il perd sa mère.

- 1946 : naissance de son aîné Roland le 9 janvier.
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 - 1947-53: naissance de son fils puîné Gérard le 17 février. Sans ressources et chargé de famille, il entre à la Sécurité sociale de Lyon où il restera 9 ans. S’intègre peu à peu à la communauté de Vernaison où il emménage à La croix du meunier. C’est dans le bassin du jardin que se situe sa nouvelle La cane. (Prix de lecteurs de Résonances en 1956) Il s’intéresse au jazz, rencontre Hervé Bazin et Armand Lanoux.
- 1954-56 : publie la nouvelle Noël de rapin dans Le progrès, soutenu par le directeur Marcel Rivière, écrit Vorgine. Après plusieurs réponses négatives, il écrit « Malgré tout » qui sera publié chez Julliard en 1956 sous le titre L’ouvrier de la nuit. Collabore à la revue Résonances où il fait des rencontres importantes pour la suite avec les écrivains Gabriel Chevallier, Joseph Jolinon et Jean Reverzy. Reçoit le prix rhodanien des lettres pour L’ouvrier de la nuit. Devient relieur en septembre.
- 1957 : Emménage à Lyon, quai Romain Rolland au moment où Vorgine paraît en feuilleton dans Le Progrès et dont il va faire une adaptation pour la radio, avant qu’il paraisse en librairie sous le titre Pirates du Rhône. Il commence une collaboration avec la radio où il écrit des textes,  des nouvelles et des comptes-tendus littéraires ainsi qu’avec la revue Le Jardin des arts.
- 1958 : Il devient journaliste au Progrès, publie un roman Qui m’emporte pour lequel il reçoit le prix des P’tits Pères ainsi qu’une biographie de Paul Gauguin.
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- 1959-60 : il achète un pied-à-terre dans les monts du lyonnais à Saint-Genis l’Argentière où il se retire pour écrire. Il écrit L’Espagnol qui sera publié en janvier 1960 et lui vaudra le prix Eugène Le Roy puis commence l’écriture de Malataverne. En avril, il reçoit à Lyon la visite du ‘vrai’ Espagnol, Jacinto Perez qu'il nomme dans son roman Pablo Sanchez comme " l'hercule " Ted Robert se nomme dans son roman, Kid Léon. .
- 1961 : Il commence L’Apprenti qui deviendra La maison des autres, écriture difficile qui l’épuise au point qu’il note : « repos exceptionnel ». Déménage au 64 cours de la Liberté.
- 1962-63 : En février, série de conférences en Allemagne. A retour, il adapte Fuente Ovejuna de Lope de Vega, joué au théâtre des Célestins à Lyon. Son album Célébration du bois paraît en mars 1962. Il termine Celui qui voulait voir la mer (tome II) et commence Le cœur des vivants (tome III).

- 1964 : Emménage à Chelles en Seine-et-Marne et rencontre Louis Lecoin avec qui il milite pour le statut des objecteurs de conscience et écrit dans le journal pacifiste Liberté.
- 1965 : Écrit des articles pour Constellation ou L’Humanité. Au Congrès des écrivains en Allemagne, il rencontre Hans Balzer, son ‘frère allemand’ et vit un amour impossible avec une allemande de l’Est Renate Heikmann. Au retour, il travaille à l’adaptation de L’Espagnol avec Jean Prat et publie Le voyage du père. Adaptation cinématographique de ses deux romans Qui m’emporte qui devient Le Tonnerre de Dieu et Le Voyage du père qui lui permet de nouer une amitié avec Fernandel.
- 1966 : Il travaille à L’Hercule sur la place et à une biographie de Léonard de Vinci. Il visite madame Romain Rolland à Vézelay et en octobre perd sa tante Léa.
- 1967 : Il milite pour la révision du procès de Jean-Marie Devaux avec le père Robert Boyer. Il s’attelle à l’écriture de Les fruits de l’hiver (tome IV) et rédige une préface pour le livre de Jack London Le Talon de fer. Il suit pour L’Humanité dimanche la marée noire du Torrey Canyon, les 24 heures du Mans, voyage en Belgique. Il s’installe à La Hersonnière à Montoire où il écrit Victoire au Mans, L’arbre qui chante, prépare une conférence sur Bruegel et termine Les fruits de l’hiver.
- 1968 : Il suit les jeux olympiques de Grenoble, adapte La maison des autres pour la télévision et commence Le tambour du bief. C’est l’année des prix littéraires : prix Albert Ollivier en février, Grand prix littéraire de la ville de Paris en novembre et prix Goncourt en décembre avant de partir pour le Québec, invité par Radio Canada.
- 1969 : Rencontre Edmond Kaiser de Terre des hommes à Lausanne – mort de son ami Hans Balzer – parution de son recueil de nouvelles L’espion aux yeux verts en avril. Il quitte Chelles pour Brunoy où il écrit en juillet : « Hersonnière, gros soleil, calme et isolement tandis que des hommes partent pour la lune ». Termine Le Tambour du bief, écrit la préface du livre sur l’Affaire Deveaux ainsi que l’adaptation télé de L’Hercule sur la place.
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- 1970 : année centrée sur les adaptations télé de Le Tambour du bief et de Légion. Pert son ami Pierre Mac Orlan et Jean Giono qu’il admirait. C’est aussi le retour au pays natal : il s’installe à Château-Chalon en juillet où il commence Le Seigneur du fleuve.
 - 1971 : En mars, il est élu à l’Académie Goncourt. En juin, il perd son ami Louis Lecoin puis part pour un voyage humanitaire avec Claude Mossé en Inde et au Bengladesh. Il adapte son roman Malataverne et écrit un conte La maison du canard bleu ainsi qu’une préface pour la réédition de L’Ouvrier de la nuit.
- 1972 : Il travaille à l’adaptation de Pirates du Rhône et à son nouveau roman Le Silence des armes.
- 1973 : Il participa aux ‘dossiers de l’écran’ sur le thème de « la faim dans le monde. »
- 1974 : Pendant l’été, il dresse le plan de sa série romanesque Les Colonnes du ciel et commence Le charretier d’Aiglepierre qui deviendra La saison des loups.
- 1975 : Il rencontre le ‘caporal’ Mac Seale à qui il a adressé la Lettre à un képi blanc, sous l’égide de Paul Bonnecarrière. En mars, il quitte le Jura pour s’installer aux Relais à Villeneuve sur Yonne et fait un premier séjour à Reverolle chez Pierre et Colette Sauter au-dessus du lac Léman et il travaille aux 2 premiers tomes des Colonnes du ciel.

- 1975-77 : "Les relais", Villeneuve-sur-Yonne --  Bellefontaine (Jura) -- Saint-Rémy de Provence --
- 1976 : Il voyage en URSS en juin avec l’académie Goncourt et fait plusieurs séjours à Reverolle. En décembre, il démissionne de l’académie Goncourt.
- 1977 : Il retourne en URSS avec son fils Yves "marcher sur les traces de Michel Strogoff". Il poursuit Les Colonnes du ciel avec La femme de guerre, écrit les albums Fleur de sel et Le Rhône ou les métamorphoses d’un Dieu. Les 31 octobre, il part pour Montréal avec l’éditeur suisse Chappuis, où il rencontre Josette Pratte

- 1978-1989 : différents séjours au Québec (St-Télesphore, Montréal, Abitibi), les 6 tomes du Royaume du Nord 1983-84-85, 1987-88 et 89
- 1978-81  : Montréal-St Télesphore + Portugal+Villers-le-lac+Morges+Bruxelles/Paris+Irlande Villiers -79-81

- Le 31 décembre 77, s’installe au Québec, à Saint-Télesphore : « Écriture dans la pièce qui fait penser au bureau de Tolstoï. Silence total ».
- 1978 : Visite le Val d’Or en Abitibi, prend des notes et bâtit le plan du Royaume du nord, Péribonka le pays de Maria Chapdelaine puis à Caniapiscau dans la baie James. [2]

- 1979 : Après un bref retour à Paris et à Mouthe (Doubs), il retourne à Montréal puis revient vivre à Paris avec Josette Pratte pour finalement s’installer au sud du Portugal à Praia da Luz en mai d’où ils reviennent en juin. Suit une ‘période d’errance’ en Belgique, dans le Jura, en Suisse, dans la Marne puis à Pontarlier, part à Guernesey sur les traces de Victor Hugo et finalement en novembre s’installe au Pissoux à Villers-le-lac dans le Doubs. En août, il assiste très affecté aux obsèques de son ami l’écrivain Gilbert Cesbron.
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- 1980 : Il préside le vernissage d’une exposition de ses dessins à Genève, fait un second voyage en Suède puis navigue sur le De Grasse jusqu’à Copenhague. Il écrit deux textes pour les albums Terres de mémoire (la mémoire nue) et Arbres puis les 2 derniers tomes des Colonnes du ciel. Il retourne au Québec pour y passer les fêtes de fin d’année par -75 à Caniapiscau.
- 1981 : Adaptation télévisée des 5 tomes des Colonnes du ciel, écrit Comptines et Rouge pomme pour la jeunesse. Après des difficultés familiales (divorce), il avoue sa terrible lassitude : « Terrible envie d’en finir. Pas le courage de l’acte » écrit-il le 13 août.

- 1er septembre 81 : installation à Morges pour retrouver "la lumière du lac". Le 31 octobre, il note : « 5 heures. La radio annonce la mort de Brassens. »
Puis nouveau séjour au Québec.

- 1982 : Dernier séjour à Bellefontaine (39) 1986 : mort de son fils Gérard
- Morges 1981-85 + Toscane
- Irlande Doon house mai 85-décembre 89
- Eygalières, Mas de la Douceur (13) dec 89-juin 91
- Belmont-Tramonet (Savoie) juin 91-92 --> 03/92 malaise, main droite paralysée
-Capian (33)Prieuré Sainte-Anne, été 92-fin 98
 [Télé Caractères de Bernard Rapp le 18 avril 1992 (La révolte à 2 sous) ]

 [Le soleil des mort, "Charles Maur", prix des Maisons de la presse (Prieuré Sainte-Anne 1er juillet 1994 Capian - Saint-Charles 1997) ]
- fin 1998 : Morges/Vufflens-le-Château, "L'Écritoire"
- juin 2000 : Saint-Cyr-sur-Loire (41) 7 rue du coq)
- fin 2001-2003 Courmangoux-La Courbatière "Le Chevalet"
  [La table du roi : 09/2002]

- 27/10/2003 : AVC  --  Interviews 11/2003 et 25/10/2004 -- 15/04/2009 : biblio
- 2003-2010 : Chambéry/La Motte Servollex
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[1] Les colonnes du ciel :
- La saison des loups : Château-Chalon 07/1974 -- Villeneuve s/Yonne 09/1975
- La lumière du lac     : Reverolle (Suisse) 12/1975 -- Villeneuve s/Yonne 12/1976
- La femme de guerre : Bellefontaine (39) été/automne  1977
- Marie bon pain : Praia da Luz 06/1979 -- Villers-le-lac (Doubs) 02/1980
- Compagnons du Nouveau-Monde : Villers-le-lac (25) 08/1980 - 06/1981
 [2] Le Royaume du Nord : plan général : Saint-Télesphore été 1978
- L'or de la terre : Morges 10/1983 - - Miserere : Morges 11/1984- L'angélus du soir : Doon house 06/1986 - 01/1987 - - Maudits sauvages : Doon house été  1988 

Quelques citations :
- "La vie est une succession de moments-lieux et leur chaîne constitue ma géographie sentimentale." Terres de mémoire
- "J'ai passé l'essentiel de mon temps à poursuivre des chimères."
- Etre romancier, c'est porter un monde en soi.

Voir aussi
* Accès au Site Bernard Clavel --
*
Témoignages 2010 -- Clavel dans le Jura --
 
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vendredi 20 février 2015

Clavel, l'homme engagé

On ne présente plus Bernard Clavel, l'homme engagé défendant la liberté et pourfendant la guerre. Parmi toutes ses actions, nous avons choisi d'en présenter trois particulièrement emblématiques :
- L'Affaire Deveaux et les  dérives de la justice;
- Son engagement aux côtés de Claude Mossé pour venir en aide aux enfants du Bangladesh;
- Son combat aux côtés de Louis Lecoin pour défendre les insoumis et sa "Lettre à un képi blanc"
 
L'Affaire Deveaux par Bernard Clavel
Quel immense fossé note d'emblée Bernard Clavel, entre le procès tel qu'il s'est déroulé et la lecture du dossier à tête reposée. Les magistrats, professionnels de la justice et rompus aux arcanes du droit, savent comment instiller le doute dans l'esprit du jury, comment le circonvenir en jouant sur les mots, les faits et les gestes pour transformer en coupable un homme sur qui pèsent quelques soupçons. Un prétoire est un peu comme une arène, on sait d'avance qui est le sacrifié.



On admire trop les grandes envolées lyriques des avocats et des magistrats dans une justice spectacle à leur service et qui se fait au détriment d'un accusé parfois sacrifié à ce spectacle et des victimes dont le chagrin sert trop souvent d'alibi à l'accusation, elles-mêmes sacrifiées, spectatrices d'une pièce où l'on joue avec leurs sentiments. Bernard Clavel pense que « Deveaux n'a pas été jugé par une Cour d'Assises mais écrasé par le président Combas qui, durant les débats, s'était joué de lui. » Les Assises, en jouant trop souvent sur la corde sensible, sur l'affectivité du jury, laissent trop souvent de côté ce principe : « c'est à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé et non l'inverse ».

Jean-Marie Deveaux, malgré doutes et dépressions, ne veut pas d'une grâce qui le désignerait définitivement comme coupable, il ne veut qu'une chose : la justice. C'est-à-dire la reconnaissance de son innocence et de l'erreur judiciaire, ce qu'il n'obtiendra qu'après plusieurs années au terme d'un combat toujours difficile et incertain.

Bibliographie
  • L'Affaire Devaux, le père Boyer, Bernard Clavel, Frédéric Pottecher, Daniel Sarne, Les éditions spéciales, dirigées par Jacques Lanzman (Article de Bernard Clavel, Édition Publication Première, collection Édition Spéciale, 265 pages, 1969
  • Défense de Jean-Marie Deveaux, extrait de Bernard Clavel dans la biographie écrite par Michel Ragon, éditions Séghers
  • L'innocence judiciaire "Dans un procès, on n'est pas innocent, on le devient", Dominique Inchauspé, Éditions Puf 2012
  Jean-Marie Deveaux (à gauche)

Mourir pour Dacca
Mourir pour Dacca est un récit du journaliste Claude Mossé et de l'écrivain Bernard Clavel.

L'appel de Claude Mossé
Claude Mossé est un journaliste qui travaille à Genève pour la Radio suisse romande et la Télévision suisse romande. Il a reçu un choc quand il a vu les enfants du Bangladesh, perdus dans cette guerre féroce entre le Bangladesh, l'Inde et le Pakistan qui ensanglante la région du Bengale. Des enfants qui sont en fait les premières victimes de ce conflit, des victimes innocentes.

Cette situation, Claude Mossé ne peut la supporter, surtout depuis qu'il s'est heurté à l'indifférence du monde. Ce n'est qu'une guerre de plus, lui laisse-t-on entendre, une guerre circonscrite dans un endroit si loin de l'Europe, que l'on connaît mal et dont les grands états se désintéressent. Pas Claude Mossé qui lance sur les ondes suisses un appel vibrant à tous les hommes de bonne volonté qui ne supportent pas, eux non plus, cette situation intolérable. Il va retourner là-bas plusieurs fois et tenter autant qu'il peut de soulager, d'apporter un peu d'espoir à ces enfants abandonnés à leur sort.

C'est son expérience qu'il raconte dans ce livre, c'est son témoignage d'homme de cœur qui espère que les mots ont encore un sens et que ce qu'il a vécu pourra peut-être quelque part servir de leçon. Un livre-témoignage poignant et sans concession sur les responsabilités, sur cet engrenage de la violence, de la haine et de la mort qui s'abat sur des enfants innocents.



La préface de Bernard Clavel
« La guerre, écrit Jean Guéhenno dans son Journal des années noires, est l'impuissance de l'homme. »
C'est ainsi que Bernard Clavel exprime son sentiment sur ce qu'il a vécu pendant ses deux séjours au Bengale. Il est allé sur place, il a vu l'innommable, côtoyé la misère, la déchéance physique et la douleur insoutenable de ces enfants promis à la mort. « Sur cette terre du Bengale, nous avons été, Claude Mossé et moi, bouleversés, écœurés, horrifiés non seulement par toute cette souffrance mais également par ce qui provoquait cette souffrance. » Il dénonce les politiques qui subissent les pressions de leurs armées, les états complices et les marchands d'armes qui font fortune en vendant leurs machines de mort. [1]

Des guerres qui se font toujours sur la souffrance des peuples. [2] Tous ceux qui acceptent la guerre au nom de principes patriotiques ou xénophobes, ou simplement comme une fatalité, tous sont coupables. Il dit son mépris, son écœurement devant le spectacle insoutenable qu'il a eu sous les yeux et l'indifférence du monde.

Ce n'est plus seulement 'l'homme en colère' [3] qui réagit, c'est un homme désespéré par la folie meurtrière de ses semblables Bien avant qu'il écrive La peur et la haine, [4] il va ressentir une haine terrible alimentée par son sentiment d'impuissance et s'en délivrera par l'écriture, mettant des mots sur des sentiments aussi contradictoires. C'est dans sa terre natale, en contemplant la plane de Bresse, qu'il retrouvera la paix intérieure.

Bibliographie
  • Jean-Marie Muller, L'Évangile de la non-violence, Fayard, 1969, (ISBN 2-213001197)
  • Robert Boyer, La justice dans la balance
  • René Biard, Bagnards en culottes courtes
  • Jean Egen, L'Abattoir solennel, éditions Guy Authier, 1973 (l'affaire buffet-Bomptemps)
  • Œuvres de Bernard Clavel sur ce thème
  • 1970 Le massacre des innocents, Éditions Robert Laffont
  • 1974 Le Silence des armes, Éditions Robert Laffont
  • 1975 Lettre à un képi blanc, Éditions Robert Laffont
  • 2004 Les Grands Malheurs, Éditions Albin Michel
  • Notes et références
    1. « A-t-on jamais vu des militaires se laisser voler une guerre ?» écrit-il
    2. « À la cupidité des uns, conclut-il, s'ajoute hélas la stupidité des autres »
    3. Voir Bernard Clavel, un homme en colère, Bibliothèque cantonale et universitaire, Lausanne, 2003
    4. La peur et la haine, préface au livre de Nakazawa Keiji J'avais six ans à Hiroshima. Le 6 août 1945, 8h15, 2005

    Louis Lecoin et Bernard Clavel
    L'écrivain Bernard Clavel a écrit de nombreux articles dans la revue créée par Louis Lecoin l'Union pacifiste de France ainsi qu'une préface de ses écrits et cet homme qu'il lui rend dans son essai Le Silence des armes.

    Pour Bernard Clavel, Louis Lecoin est à l'image de Gandhi et de Martin Luther King : un héros de son temps et surtout un exemple. « Toute sa vie témoigne de sa vertu, de sa valeur, de sa grandeur d'âme et de son désintéressement total de ce qui n'est pas directement lié au combat pour la justice et pour la paix. » Son combat, ce n'est pas seulement l'objection de conscience en tant que telle, c'est aussi « celui du bon sens contre l'absurdité, de l'intelligence contre la sottise, de l'honnêteté contre la corruption, de la pureté contre le vice.

       

    Ce qui frappait d'abord dans cet homme d'aspect chétif, c'était son regard bienveillant, son humanité : « il portait le monde en son cœur et c'était en regardant au-dedans de lui qu'il en avait la vision la plus sensible, la plus chargée d'affection. » Toute sa vie, il a lutté contre la guerre, demandant à Pierre Mendès France en 1954 de supprimer l'armée et il n'aura pas de mots assez durs pour dénoncer son rôle néfaste et sa logique de guerre.

    Bernard Clavel qui l'a très bien connu, soutenu dans son combat et lui a dédié son roman Le Silence des armes où il dénonce la guerre, les massacres et la torture en Algérie, roman qui a suscité bien des réactions et des polémiques qui ont incité Clavel à répondre par sa longue Lettre à un képi blanc.
    C'était un homme d'une tolérance infinie, « une vertu à laquelle il attachait beaucoup de prix. » Bien que matérialiste, il appliquait à la lettre le précepte de l'Évangile "Tu ne tueras point". Poussant jusqu'au bout ses convictions, il a réussi à faire plier le général de Gaulle lui-même, arrachant à force d'acharnement, contre l'armée et les tenants d'un patriotisme primaire, le statut d'objecteur de conscience. S'il a vaincu, il est arrivé à ce résultat avec pour seul arme, son courage.

    A l'automne 1967, Bernard Clavel propose à son ami Louis d'être à la tête d'un comité pour promouvoir le désarmement unilatéral. Ils fondent, avec Max-Pol Fouchet, Jean Gauchon, Théodore Monod, Yves Montand, Simone Signoret et quelques autres le Comité pour l'extinction des guerres. Le 23 juin 1971, Louis Lecoin décède d'une embolie pulmonaire. Auparavant, il avait confié à l'Union Pacifiste le soin de mener son dernier combat.

       <<< Christian Broussas - Clavel engagé - Feyzin, 10/12/2009 - << © • cjb • © >>> 

    dimanche 15 février 2015

    Bernard Clavel, un homme en colère

    Bernard Clavel, un homme en colère est un ouvrage de Maryse Vuillermet ; il s’agit d’un essai biographique sur l'écrivain Bernard Clavel, publié dans le cadre de l'exposition Bernard Clavel de Lausanne en Suisse qui s'est déroulée du 10 septembre au 25 novembre 2003.



    1- Présentation générale
    Ce texte de Maryse Vuillermet s'inscrit dans la grande manifestation qui s'est tenue à Lausanne en 2003 sur l'œuvre de l'écrivain Bernard Clavel qui a fait don d'un important fonds de documents et de textes à la bibliothèque cantonale et, universitaire de Lausanne. À travers ce thème de L'homme en colère, elle analyse son œuvre romanesque, donne sa vision de ses mécanismes de création, ceci essentiellement sur la période allant des débuts de Bernard Clavel jusqu'à l'année 1968 1, année charnière pour lui qui reçut la consécration avec le prix Goncourt et une première notoriété de la part du grand public.

    Ses personnages sont souvent orgueilleux, c'est le ressort qui les fait agir, qui provoque leur colère, « le personnage principal, en tant que "signe du récit" est toujours un homme orgueilleux. » 2 « C'est, écrit ensuite Maryse Vuillermet, un homme reconnu et valorisé par son travail, [...] une poétique du travail manuel servi par un vocabulaire technique des métiers, la connaissance précise des milieux décrits, plaçant au centre de l'œuvre le travailleur, son métier et l'orgueil de son métier. » Elle cite un passage du Seigneur du fleuve qui se termine par ces mots : « Il faut aussi l'orgueil. Un immense orgueil. »
    Cette colère dont il est question, revêt dans l'œuvre de Bernard Clavel plusieurs aspects, selon qu'on s'intéresse aux personnages dont certains ont un caractère autobiographique marqué ou aux éléments naturels qu'il décrit. 
    Bernard Clavel dans le Jura

    2- Les personnages de Clavel
    Dans les deux premiers romans, les personnages éprouvent beaucoup de colère contre eux-mêmes, c'est évident dans L'Ouvrier de la nuit où le héros bat sa coulpe, s'accuse d'avoir fait le malheur de sa femme et de ses enfants pour courir après des utopies d'artiste. Dans Pirates du Rhône, c'est le peintre Gilbert qui essaie vainement de transcrire dans ses toiles les miroitements et les reflets changeants du fleuve. Ces deux œuvres fortement marquées par les expériences de l'auteur, retracent la période de sa vie quand il vivait au bord du Rhône à Vernaison au sud de Lyon.
    Cette colère peut aussi être tournée vers d'autres personnages, l'horrible patron de Julien Dubois dans La maison des autres 3, les gendarmes responsables de la mort de la fiancée de Gilbert dans Pirates du Rhône, le fils égoïste de Germaine qui vend tous les biens de ses parents pour s'installer à Lyon dans L'Espagnol. Les raisons de ces colères sont nombreuses et les exemples ne manquent pas. Dans Malataverne ou dans L'Hercule sur la place ce sont les jeunes qui se disputent, dans Le Tonnerre de dieu c'est Brassac qui vire le souteneur de Marie, dans Le Seigneur du fleuve c'est l'âpre concurrence qui provoque une bagarre...

    Cette colère s'exerce aussi contre la ville et ses turpitudes, on vient de le voir avec L'Espagnol. C'est un thème récurrent, surtout dans les romans de cette période, avec par exemple Le Voyage du père où la ville tentatrice va emmener Marie-Louise loin de sa campagne et des siens dans une vie de débauche ou au contraire, quand Simone va quitter la ville et sa vie de prostituée pour retrouver la saine vie oubliée de la campagne dans Le Tonnerre de dieu 4.
    Par contre les femmes sont parfois maltraitées 5 et manifestent leur colère par la mauvaise humeur, « les femmes sont très ronchonneuses chez Clavel » écrit Maryse Vuillermet, ou alors « s'enferment dans le silence ou pleurent parfois ».

    3- Les éléments et les paysages
    Les éléments jouent aussi un rôle important pour renforcer l'action. Ils se mettent eux-aussi en colère pour conforter ou réprouver la colères des hommes, montrer aussi que la colère humaine est peu de choses quand les éléments se déchaînent. Dans Pirates du Rhône, c'est surtout la Saône qui va déborder, s'étaler lentement jusqu'à devenir plus dangereuse que les colères brutales du Rhône, c'est la neige et le froid qui transforment les paysages dans Le Voyage du père, cette neige qui devient sale dans la grande ville, c'est la révolte du Rhône dans Le Seigneur du fleuve qui va être fatale à Philibert Merlin et à son équipage note 1

    Les paysages, les lieux où se déroulent l'action de ses romans sont souvent âpres voire hostiles, difficiles en tout cas pour les habitants qui doivent lutter pour vivre. Il met en scène essentiellement trois espaces, trois régions qu'il connaît bien pour y avoir passé beaucoup de temps note 2.
    D'abord, la Franche-Comté avec son Jura natal où se déroule pratiquement l'ensemble des livres qui forment Les colonnes du ciel, surtout le département du Doubs où ses héros doivent cheminer dans la montagne pour échapper à la guerre et à la famine, le froid et la neige du Grandvaux 6, la pluie et le vent violent du Silence des armes.

    La vallée du Rhône, surtout la région lyonnaise, avec ce fleuve qui n'en finit pas de piquer des colères, de Pirates du Rhône au Seigneur du fleuve, ces riverains qui payent souvent cher les bienfaits du fleuve nourricier note 3, l'orage et la tempête qui se déchaînent dans Malataverne.
    « Le paysage clavélien est rarement un paysage apaisé » conclut Maryse Vuillermet.

    4- Orgueil et colère
    « Le plus souvent, note Maryse Vuillermet, la colère est brouillonne et mauvaise conseillère. » Les héros de Bernard Clavel sont souvent perdants, L'Espagnol pers l'essentiel, Robert dans Malataverne finit en prison, 'le seigneur du fleuve' meurt, seuls Brassac et Kid Léon s'en sortent bien. Parfois, cette colère se canalise, arrive à fondre et à disparaître quand Brassac "craque" devant l'enfant que porte Marie, quand des hommes comme le père de Marie-Louise ou l'Espagnol sont pris de compassion face à des jeunes filles fragiles ou attardées mentales :« Ce personnage vulnérable et innocent donne au furieux un moment de calme où vil peut exprimer librement à l'abri de la dureté du monde un peu de sa sensibilité... » 7

    L'orgueil rend ses personnages dominateurs et sûrs d'eux. Ils se heurtent aux autres, à leurs parents et veulent échapper au sort qui leur est promis, même si c'est douloureux à vivre. Ils sont « en colère contre le monde, leur milieu, les représentants du progrès » et le plus souvent luttent en solitaires. L'écrivain lui, va peu à peu trouver sa voie dans la lutte contre la violence qui l'amène à s'impliquer dans la lutte contre la guerre note 4.
    L'analyse de Maryse Vuillermet est plus nuancée puisqu'elle estime que « la production romanesque de Bernard Clavel contient cette hésitation entre guerre et paix... » D'un côté, il respecte l'aspect "ancien combattant" dans un roman tel que Le Soleil des morts et d'un autre côté, il dénonce la violence et la guerre dans des œuvres comme Le Silence des armes ou Lettre à un képi blanc. Pour Maryse Vuillermet, « la production clavélienne a oscillé longtemps entre deux types de romans : le beau récit tragique et bien mené mettant en scène un héros admirable... marchant fièrement à la rencontre de son destin 8, et le roman plus réaliste, plus social, du quotidien, du travail et de sa dureté.  »
    Ce héros-là n'est pas bon et sa colère n'arrange rien. L'homme Clavel ressemble à cette image ambivalente, contrastée : « il admire les forts, puissants, et déteste l'injustice et la guerre. » C'est cette « faille personnelle (qui) nourrit sa œuvre. »

    Les grands malheurs, son dernier roman

    Notes et références

    Notes
    1. Il existe bien d'autres exemples dans d'autres romans postérieurs à la période étudiée, par exemple le vent et la pluie qui symbolisent la rébellion de Jacques Fortier dans Le Silence des armes en 1974 ou le Rhône qui envahit la ville basse de Lyon, emportant tout sur son passage dans La Révolte à deux sous en 1992 [NDLR]
    2. Le troisième lieu privilégié est le Québec, région de glace et de grands froids où ne peuvent survivre que les plus forts, les plus motivés et que Bernard Clavel a mis en scène dans sa grande saga canadienne intitulée Le royaume du Nord, dont il ne sera pas question ici puisque postérieure à cette étude (écrite entre 1983 et 1989)
    3. L'analyse reste valable pour des romans plus récents où le Rhône se montre aussi indomptable, tels que La Guinguette en 1997, Brutus en 2001 ou La table du roi en 2003. Même si par ailleurs, Clavel a regretté que le progrès ait réduit le fleuve à une autoroute fluviale. [NDLR]
    4. Surtout à partir des années 70, il va écrire s'engager aux côtés des non-violents, avec Louis Lecoin, écrire Le Silence des armes et Lettre à un képi blanc, aider l'association Terre des hommes et écrire Le massacre des innocents
    Références
    1. Avec une incursion jusqu'en 1972 avec le roman Le Seigneur du fleuve
    2. Philippe Hamon cité par Maryse Vuillermet
    3. La maison des autres : premier tome du cycle intitulé La grande patience
    4. Roman connu également sous son titre initial Qui m'emporte
    5. En particulier dans L'Ouvrier de la nuit et dans Le Tonnerre de dieu
    6. Voir Meurtre sur le Grandvaux, roman publié en 1991
    7. Denise dans Le Voyage du père et Jeannette dans L'Espagnol.
    8. Parmi ses derniers romans, La Retraite aux flambeaux ainsi que La Table du roi sont à placer dans cette catégorie
    Bibliographie

    • Bernard Clavel, Qui êtes-vous ?, Adeline Rivard, Éditions Pocket, 2000
    • Bernard Clavel, Écrivains d’hier et d’aujourd’hui, Michel Ragon, Éditions Seghers, 1975
    • Ils ont semé nos libertés. Cent ans de droits syndicaux, (préface d'Edmond Maire, avant-propos de Bernard Clavel), Syros / CFDT, 1984
    • Histoire de la littérature prolétarienne, Michel Ragon, édition corrigée, Éditions Albin Michel, 1986
    • Pour un statut sémiologique du personnage, poétique du récit, Philippe Hamon, Éditions Le Seuil, 1977
    • Des métaphores obsédantes au mythe personnel, Ch Mauron, introduction à la psychocritique, Éditions Corti, 1962
    Voir aussi : "Souvenirs de l'ouvrier de la nuit" par Maryse Vuillermet

    Bibliographie citée dans cet ouvrage 
    • L'Ouvrier de la nuit, Julliard, 1956, Robert Laffont, 1971
    • Pirates du Rhône, André Bonne, 1957, Réédition chez Robert Laffont, 1974
    • Le Tonnerre de Dieu, 1958, Robert Laffont, adapté du livre Qui m'emporte
    • L'Hercule sur la place, 1966, Robert Laffont
    • Le Tambour du bief, 1970 Robert Laffont
    • Le Seigneur du fleuve, 1972 Robert Laffont
                         <<< Christian Broussas, Carnon-Mauguio, Octobre 2013 © • cjb • © >>>  



    jeudi 12 février 2015

    Clavel Un homme en colère PPT



     * Voir aussi Bernard Clavel Présentation -- Portraits croisés

    << Christian Broussas – Clavel  3 - Feyzin, 12 février 2015 - © • cjb • © >>

    Bernard Clavel Portraits croisés Plan PPT









     * Voir aussi Bernard Clavel Présentation -- Un homme en colère --

    << Christian Broussas – Clavel  2 - Feyzin, 12 février 2015 - © • cjb • © >>